Anouk Grinberg et Rosa Luxemburg

Du 7 janvier au 1er février 2020 (du mardi au samedi à 19h) le théâtre les Déchargeurs accueillera le spectacle Rosa Luxemburg Kabarett.

Texte, mise en scène, de Viviane Théophilidès
Jeu, Sophie de La Rochefoucauld, Viviane Théophilidès, Bernard Vergne, Géraldine Agostini ( piano ), Anna Kupfer ( chant ) | Lumières Philippe Catalano | Costumes Joan Bich

Alors qu’elle crée le premier parti communiste allemand, la révolutionnaire et grande pacifiste Rosa Luxemburg est assassinée en 1919, pour ses idées, lors de la répression de la révolution spartakiste. Au cœur de ce cabaret à l’allemande, Rosa se raconte, entourée de nombreux personnages qui gravitent autour d’elle.
Dans un incessant voyage entre passé et présent, son histoire et son temps se mêlent à notre époque pour nous interroger sur la citoyenneté, la mémoire collective et l’engagement. Ceux d’hier et d’aujourd’hui.

 

Un très joli spectacle avec des interprètes tous très doués. FRANCE INTER
Un très fin et sensible travail. Des évocations délicates et profondes. LE FIGARO
L’écriture en est politique et poétique. Vigoureuse et tendre. Une mémoire
à partager par la magie du théâtre. L’HUMANITÉ

 

 

Anouk Grinberg a elle aussi interprété et mis en voix les textes et lettres de Rosa Luxemburg, en 2009, au théâtre de la commune dans un spectacle intitulé Rosa, la vie.

« Rosa Luxemburg une femme totale » (entretien avec Anouk Grinberg, réalisé par Charles Silvestre)

D’une voix forte et fragile, l’émotion à fleur de peau mais déterminée à partager auprès du public son amour, son admiration pour Rosa Luxemburg, Anouk Grinberg a parlé, avec son cœur, avec le désir de piquer la curiosité, de réveiller les consciences. Bonté, beauté, ces deux mots semblaient parfois se confondre dans la bouche d’Anouk Grinberg. Le livre entre les mains, on le feuillette, au hasard. Et le hasard fait bien les choses lorsqu’au détour d’une lettre, vous lisez silencieusement des passages qui, soudain, vous illuminent et vous (re)donnent le courage de vivre. À son image.

Vous consacrez à Rosa Luxemburg une énergie sans commune mesure. Pourquoi ?

Anouk Grinberg. Je n’ai jamais rien lu qui me rende aussi heureuse. Les textes de Rosa m’ont tellement touchée, bouleversé ma vie, nettoyé le cœur, donné l’envie de vivre et c’est tout cela que j’ai voulu partagé avec les gens. Et pas uniquement ceux qui s’intéressent à la politique mais tous ceux qui ont envie de vivre. On croit la connaître, et on ne la connaît pas. On a d’elle l’image d’une femme rude, le couteau entre les dents – ne l’appelait-on pas Rosa la sanguinaire ? Rude, elle l’était. Mais elle était surtout et avant tout la bonté incarnée, une bonté qui touche, cohérente. J’ai croisé ces lettres de prison il y a quatre ans et ça m’a semblé évident – je suis comédienne- de transmettre ces lettres, qu’elles parviennent aux gens. Un acte civique en quelque sorte.

On s’est habitué à suffoquer, à ne plus croire, à une humanité déshydratée… Ce texte a été un choc. Il m’a massée, réveillée, ouvert les yeux, réappris à respirer. Ces lettres ne sont pas la propriété exclusive des militants : elles ont cette puissance de feu de s’adresser à nous tous car elles ne parlent que de la vie. « Une seule chose me fait souffrir, d’avoir profité seule de cette beauté » écrit-elle. Toutes ces lettres ont été écrites en prison où elle était enfermée pour s’être opposée à la Première Guerre mondiale. Depuis son cachot où elle était emmurée, elle était bien plus libre que tous ceux de ses camarades socialistes qui avaient vendu leur âme et étaient mille fois plus prisonniers qu’elle ne l’était, derrière ses barreaux. Elle a communiqué la joie. Elle était et intelligente et radieuse. Nous, qui sommes soi-disant en liberté, à la lire, il y a de quoi se poser des questions sur les prisons que nous portons. Quand on mesure sa façon de résister au mal, à la barbarie, à la bêtise, c’est une splendeur. Alors, que ces textes ne soient pas connus du grand public, c’est comme si les gens n’avaient pas accès à l’eau…

On comprend bien cette métaphore de la prison, combien chacun d’entre nous peut être enfermé entre des murs…

Anouk Grinberg. C’est quelque chose de très personnel. Chacun sait – ou devrait savoir – que l’on voit le monde à travers des prismes. On pense qu’il s’agit là de la liberté alors que ce ne sont que des grillages. Rosa Luxemburg est lumineuse d’affranchissement. Elle s’est échappée de son enfermement peut-être parce qu’elle a un usage de la culture qui est un modèle de ce que devrait être la culture. Rosa connaissait la poésie, elle connaissait par cœur Shakespeare, elle connaissait la peinture, elle était passionnée d’ornithologie, elle connaissait et aimait les plantes… Elle avait une façon d’être au monde… Il faudrait inventer un mot pour qualifier sa façon d’être au monde. Si nous étions adossés à la beauté comme elle, nous vivrions mieux. Elle était aimantée par la vie, la vie sous toutes ses formes : une image qui passe, un paysage, un oiseau qui chante, la silhouette d’un homme. C’est une grande leçon et on a juste envie de se lever et de continuer ce qu’elle faisait. Qu’est-ce qu’on attend pour être vivant ? Seul, c’est dur, avec ses textes, ça l’est beaucoup moins.

Vous parlez, dans l’avant-propos du livre, d’« une expérience hors norme », de sidération humaine et politique ?

Anouk Grinberg. La politique n’est pas un oxygène que je respire bien. Je pensais être réfractaire à la politique, à cette façon pénible de raconter le monde jusqu’à ce que je lise Rosa Luxemburg. Ce n’était pas de l’impuissance mais une incompatibilité avec le discours qu’on entend et qui n’est pas très sincère. Dans ses lettres, elle se réfère peu à la politique à cause de la censure. La politique n’est pas au premier plan mais en filigrane. Ses propos sont si plein de morale, d’amour qui regardent droit dans les yeux la laideur, la bassesse que j’ai été sidérée par cette façon de faire de la politique. Rosa Luxemburg était une femme totale. Chacune de ses lettres montre un autre visage et chacun de ces visages la compose. Les colères viennent du cœur… Ce serait si bien que le plus grand nombre reçoive ces lettres : on se sentirait légèrement mieux.

 

Rosa, la vie, aux Éditions de l’atelier en partenariat avec France Culture. Traduction Laure Bernardi et Anouk Grinberg. Inclu, un CD audio des lectures du spectacle enregistré lors du festival les Correspondances de Manosque. 224 pages, 25,50 euros.

 

 

Consultez la page du spectacle Et pourquoi moi je dois parler comme toi ?

Si vous voulez écouter la si sensible comédienne lire cette lettre de l’immense Rosa :

Rosa, la vie – Lettres de prison de Rosa Luxembourg, lues par Anouk Grinberg

Source: « THÉÂTRE ET Cie », émission de France culture.

Livre disponible ici.

 

Consultez la page du spectacle Et pourquoi moi je dois parler comme toi?

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